Novembre 2010
Attendre un enfant, c’est se projeter dans l’avenir, échafauder une vie, des rêves, des possibles probables et puis l’enfant paraît...
Pendant 6 ans, Karim adolescent a été en groupe « d’observation ». Nous avions l’espoir de le voir au moins aller en CAT à défaut de pouvoir occuper un emploi protégé. Et puis le couperet est tombé : « groupe « occupationnel ». Si nous avons eu du mal à accepter ce « verdict », Karim l’a refusé avec fureur et détermination. L’exposition de l’an dernier a transformé les possibles et a permis de rêver un futur.Quitter l’institution, mais que faire ?
Quitter l’institution mais que faire ?
En désirant quitter l’institution, Karim nous a mis au pied du mur. Que faire de tout ce temps ? Comment l’organiser ? Comment lui permettre d’accéder à la vie d’adulte libre à laquelle il aspire ? Comment l’aider à appréhender son quartier, sa ville, sa société avec le peu qu’il en a appris ?
Les centres spécialisés protègent nos enfants en leur permettant de progresser à leur rythme. Mais ils les isolent aussi du monde du dehors pour lequel ils deviennent de plus en plus inadaptés. Ils n’ont pas la possibilité d’en apprendre les règles intrinsèques qui semblent couler de source pour nous. A la déficience d’origine s’ajoute un handicap social et ce, malgré toutes les bonnes intentions des intervenants sociaux et médicaux. Parce que les premières suites du handicap : c’est l’isolement, la coupure d’avec « le monde », car tout devient plus difficile : les déplacements, le travail, la vie quotidienne, les relations avec l’entourage, même proche…
Des rêves pas si différents des nôtres
Les rêves de Karim nous semblent bien ordinaires : « un travail, un appartement, une compagne ». Mais combien ils sont importants pour lui. La photographie l’amène sur le premier chemin, le second suivra, un jour, le temps n’a pas vraiment d’importance. Quand au troisième, qui sait ou nul ne sait, les voies de l’amour sont impénétrables. On peut seulement se prendre à rêver avec lui. Je remercie ici tous ceux qui sensibilisés par la première exposition et mes appels nous ont donné des petits et des gros coups de main tout au long de cette année.
Le handicap n’est pas que quelque chose en moins
Nous vivons une époque formidable. L’impossible devient possible. Jean-Dominique Bauby a écrit « le Scaphandre et le papillon » d’un clignement de paupière ; Alexandre Jollien, après 17 ans de centres comme Karim fait des études de philosophie et nous livre ses merveilleux écrits plein d’espoir ; Philippe Croizon, amputé des quatre membres a traversé la manche à la nage le 18 septembre et pour moi, sa maman, Karim prend des photos. Le handicap n’est plus forcément la fin d’un monde. Il peut être un vecteur de dépassement pour la personne atteinte dans sa chair et dans sa vie, mais aussi pour son entourage. (Voir sur Dailymotion : histoire d’amour entre un père et son fils).
Des progrès et de l’espoir
Cela nous interroge sur l’homme, ses possibilités, ses limites.
Cette exposition si elle a été un but n’est pas la fin, mais le commencement de nouveaux possibles qu’il reste à inventer. Karim chaque jour nous pousse à avoir de l’imagination pour répondre à ses problématiques. Ceux qui le fréquentent régulièrement ont pu constater les énormes progrès intervenus dans l’année et ce à différents niveaux, progrès que l’on n’aurait même pas imaginés l’an dernier.
Notre vie a beaucoup été centrée sur le handicap de Karim, elle le reste encore, mais maintenant, il y a une ligne d’horizon et l’exposition a lézardé le mur de solitude et de peur.